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Un parisien dans la ville

  • Guillaume
  • 5 juil. 2015
  • 5 min de lecture

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Les Rencontres d’Arles vont commencer et alors que je m’apprête à franchir un nouveau cap en écrivant pour le journal associatif indépendant Le Gai Savoir nous nous apprétons, nous les autochtones, à pouvoir observer un phénomène courant dans la région qui a toujours suscité chez moi une certaine forme de curiosité. Ce phénomène, appelé « la migration du parisien », comme son nom l’indique, définit l’afflux de cet étrange animal prenant ses quartiers d’été à Arles.


Le chaînon qui ne manquait pas


Alors je t’arrête tout de suite, toi le Parisien qui lit mon article ! Ma critique est ciblée ! Elle ne vise en aucun cas le Parisien lambda! Celui-ci est finalement presque uniquement reconnaissable à sa manière de conduire (il sort sa voiture une fois par an) et à son accent… de Parisien. Je n’ai d’ailleurs rien contre Paris, ville que j’adore, pleine de trésors et d’aventures que la décence m’empêche de vous raconter ici.

Je vise ici un type de Parisien particulier, badge au vent, sorte de trophée obtenu à la sueur de son front et fièrement brandi à la moindre occasion.

À toi le Parisien qui ici te sens toujours visé, cet article n’est pas une sorte de bobo-bashing ! Je ne critique en aucune manière votre coté bobo ! J’en suis très certainement un moi-même. J’écris pour un blog, fais du yoga (oui, c’est moi X dans un des articles du blog), ai un métier plutôt créatif, écoute France inter, Nova ou encore FIP radio, lis les Inrocks et LUI, ne regarde pas la télé et finalement, je t’emmerde.

Et à toi le Parisien qui te sens encore visé, alors là, accroche-toi ! Car c’est ça que nous te reprochons ! C’est qu’on le sent bien qu’on t’emmerde ! Parce que soyons honnête, si l’été tu viens chez nous c’est pour voir de l’authentique, du rural, du Pagnol, entendre du « Putain » par-ci, du « mon vier » par-là et te foutre de notre accent (bon ça… vous ne pouvez pas l’entendre parce que l’écrit me permet de le cacher mais quand le matIN, je vais chercher mon pAIN avant d’aller boire un café avec mes copAINS, ça peut surprendre ! « l’enculé » !).


Mutation génétique ou environnementale ?


Le problème est que, pour la plupart, nous sommes autant bobo que toi. Et alors là tu es perdu, ça te dépasse. Tu te dis que merde quoi ! Tu passes ton temps à paraître quelqu’un « à la capitale » et finalement en vacances tu dois jouer au même jeu, et qui plus est avec le bouseux de province ! Alors tu deviens hautain. Tu nous prends de haut. Tu te donnes de l’importance en valorisant ta carrière et ton rythme de vie (enfin pour la plupart, photographes amateurs frustrés, vous auriez rêvé de venir faire vos études à l’école de photo d’Arles mais vous vous retrouvez assistants dans une agence de comm’ comme il y en a 10 au mètre carré). Enfin, en gros, nous avons les mêmes métiers, les mêmes codes, les mêmes références et ça, ça vous emmerde.

Pire, vous devenez l’attraction de l’autochtone, car ayant les même pass que vous (mais dans nos poches), nous nous retrouvons ensemble dans les mêmes vernissages et soirées. Et il est amusant de vous voir réciter en boucle le même discours en faisant juste attention de ne pas le ressortir aux mêmes personnes :

« Henri ! As-tu vu le travail remarquable de cet artiste, il a vraiment révolutionné l’approche de la couleur dans ses clichés en noir et blanc. Il me rappelle cette exposition que j’avais pu voir dans un sous-sol non éclairé. Une véritable expérience ! Fantastique ! AMAZING ! ». S’en suit un passage au crible de l’assistance et l’interpellation d’une autre connaissance (bien souvent un type que vous ne connaissez pas vraiment d’ailleurs mais à qui il faut parler parce que ça fait bien) afin d’éviter que votre premier interlocuteur n’ait le malheur de relancer la conversation sur un sujet que vous ne maitrisez pas (en plus c’était un Arlésien ça la foutrait mal qu’il parle d’un truc que vous ne connaissez pas).

« Comment vas-tu Jacques ? As-tu vu le travail remarquable de cet artiste, il a vraiment révolutionné l’approche de la couleur dans ses clichés en noir et blanc. Il me rappelle cette exposition que j’avais pu voir dans un sous-sol non éclairé. Une véritable expérience ! Fantastique ! AMAZING ! ».


La nuit, tous les chats sont gris.


Cette danse continue toute la première semaine du festival. Elle est sponsorisée par les voies OFF qui organisent des soirées champagne-fraise tagada dans la cour de l’Archevêché afin de prolonger le plaisir.

Ces soirées arlésiennes organisées par ces Parisiens sont, elles, totalement assumées. Pas de place pour le pécore ! Ici, on est chez nous !

Et pourtant les Arlésiens sont encore là.

« Mais jamais il sera possible de s’en débarrasser une bonne fois pour toute !!! On ne sert pas de pastis, on ne joue pas aux boules et on passe de la musique trop cool (donc qu’ils ne connaissent pas parce que c’est pas Les Ricounes. Et en plus ils critiquent l’ambiance. Non mais c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! Déjà ils viennent avec nous et en plus ils ne sont pas reconnaissant de la culture qu’on leur apporte ! »

À ce sujet, et pour conclure, j’ai assisté à une scène mémorable dans le local (comprenez bar éphémère) du Gai Savoir dans lequel on peut échanger bons plans et discuter des publications.

Une chargée de mission des Voies OFF, visiblement énervée par la redondance des critiques concernant l’ambiance durant les soirées qu’elle organise, se rend dans le QG du journal. Elle se plaint, fulmine et les jeunes journalistes, plein d’aplomb, lui font remarquer le manque de subtilité dans les choix musicaux (la femme a failli s’évanouir. Une Parisienne ayant accès à toutes les salles de concert les mieux achalandées en artistes internationaux se prend une leçon de programmation musicale par des gueux, où va le monde ?!?).

Elle ignore sans doute que les transports ne nous situent qu’à 2h40 de Paris (et ne nous permettent d’aller que là-bas d’ailleurs… Tracé sans doute choisi par bienveillance et avec la bonne intention de nous faire découvrir la civilisation, ou de permettre aux parisiens de partir en vacances à moindre coût), que la plupart d’entre nous y a étudié ou y travaille et surtout que les nouveaux moyens de communication permettent à tout le monde d’accéder aux mêmes informations à condition d’être curieux.

Devant ce constat, elle demande aux jeunes journalistes s'ils sont arlésiens. Ce à quoi ils répondent fièrement que oui. Elle conclut la conversation d’un sourire narquois et avec cette phrase riche en sous-entendus « Ça ne m’étonne pas ! ». Elle tourne alors les talons, prend son envol et repart dans l’anonymat de la grande ville ou jusqu’à l’année prochaine, elle ne sera personne.

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