David Bowie se conjuguera toujours au présent
- Guillaume
- 13 mars 2015
- 7 min de lecture

Alors que Nina ne m’a toujours pas appelé, La Philharmonie de Paris organise une rétrospective du génie Bowie. Sous le nom « David Bowie is » cette exposition fait sa tournée. Montée par le Victoria & Albert museum de Londres, elle lance un message fort : David Bowie ne se conjuguera jamais au passé !
Malgré son silence de 10 ans jusqu’en 2013 et la sortie de son dernier opus « The next day », Bowie n’a jamais cessé d’exister à travers les innombrables artistes qu’il a produit (l'album Transformer de Lou Reed rien que ça), ceux disant s’en inspirer (Arcade Fire dans la dernière génération) ou ne disant qu’ils le plagient d’ailleurs (Bowie VS Supergrass). C’est le sort des visionnaires. Avoir un coup d’avance sur les autres fait que l’on ne peut bien souvent que marcher sur leurs traces (mais le sampling est-il vraiment un problème ou peut-on considérer qu'il permet de participer à l'histoire d'une musique en l'adaptant aux code de sa génération ?). Pour le cas de Supergrass, on voit bien qu'ils ont digéré les codes de Bowie et se les sont approprié... vaste débat).
Pour ma part, cela va être dur de sortir des sentiers battus après tout ce qui a été écrit sur cette icône trop souvent oubliée des classements (Bowie et Pink Floyd absents du top 20 de The Rolling Stones Magazine, The velvet underground seulement 19e, mon monde s’effondre !). Je vais néanmoins tenter ici de vous expliquer pourquoi Bowie a marqué l’histoire de la musique… mais pas que. C’est d’ailleurs ce qui me fait peur dans l’accouchement de cet article : Comment relater les grandes lignes d’une carrière passée à avoir un coup d’avance sur les autres ?
C’est en 1972 que David Bowie fut projeté en orbite grâce à son passage dans l’émission anglaise Top of the Pops avec son titre Starman.
David Bowie - Starmn (live à Top of the Pops, 1972)
Dans cette Angleterre en crise, peinant à se relever de la guerre, aux valeurs conservatrices et familiales fortes, David Bowie est un détonateur pour toute une génération muselée.
Alors que leurs parents, outrés, cherchent à régler la couleur de leur téléviseur (la télé couleur fait son apparition dans les foyers) afin de ternir la performance de cet hurluberlu à la combinaison beaucoup trop moulante et colorée, leurs adolescents s’identifient à cet émancipateur.
Il devient, un peu malgré lui, porte parole de la jeunesse homosexuelle européenne et jouera d’ailleurs, tout au long de sa carrière, avec cette ambiguïté. Se proclamant bisexuel, avant de nuancer ses propos (Enfin, sa femme et « le milieu » ne laissent que très peu de doute sur ses relations avec Jagger mais chuuuuttt !).
Pourtant, à cette époque, Bowie n’en était pas à son premier coup d’essai. Sa première télé, il la fit en 1964, en temps que membre de la société pour la prévention de la cruauté envers les hommes aux cheveux longs (« The Society for the Prevention of Cruelty to Long-Haired Men »). Le présentateur ne s’imaginait alors pas parler à une future icône. Usant encore de son vrai nom David Jones (qu’il changea pour Bowie en hommage à James Bowie, pionnier de la conquête de l’Ouest, car un autre David Jones sévissait alors sur les scènes britanniques) il semblait déjà prédestiné à être un porte-étendard.
Avant le succès de Starman, il avait déjà touché les étoiles grâce à son single Space oddity, qui le fit découvrir au grand public en 1969 (notamment car la BBC a choisi sa chanson comme bande-son de l’atterrissage d’Apollo 11 sur la Lune). Son premier album n’avait pas marché (entre variété et chansons pour enfants…WTF !) mais celui-ci n’eut finalement droit qu’à un succès d’estime.
Bowie profita de succès confidentiels pour aiguiser ses gouts.
Sa rencontre avec Lindsay Kemp, élève du mime Marceau, lui fit alors assumer son goût pour le travestissement (il a d’ailleurs monté une troupe de mimes en 1970).
Musicalement, le lyrisme de J. Brel ou encore la voix grave et posée du crooner américain Scott Walker furent de véritables révélations.
Toujours en 1970, il prend un virage plus Glam’ rock avec The man who sold the world (Non non c’est pas de Nirvana !!!). Il continue sur cette voie en accouchant de Life on Mars ? un an plus tard. Cette chanson, née de la frustration causée par son échec de l’adaptation de Comme d’habitude de notre Cloclo national (C’est Paul Anka qui aura accouché du bébé adopté par son bro Frank Sinatra) est un de ses plus grands succès (comme quoi on peut sampler, rajouter sa pierre dans l'histoire d'une chanson, sans pour autant la plagier honteusement).
David Bowie - Life on Mars
Prenant régulièrement son public à contre-pied (on en a parlé avec son live à Top of the Pops en 1972 et au sujet de sa bisexualité), il annonce sur scène en 1973 la fin d’une aventure, ce que tout le monde (musiciens comme spectateurs) a pris pour la fin prématurée d’une carrière en pleine expansion. Il s’expliqua peu après en disant qu’il annonçait la fin de son personnage Ziggy Stardust et par la même occasion de sa collaboration avec le groupe The spiders from Mars.
Il devint alors un pirate excentrique (non pas lui) qui sévira sous le nom de Halloween Jack (Halloween Jack/ Jack Sparrow... pirates excentriques... peut-etre que... non c'est pas possible !). Dépassé par son succès, il s’enfuit à Los Angelès, où devenu accro à l’héroïne, il compose Station to Station, album… dont il ne se souvient pas de l’enregistrement.
En 1975, accompagné à l’écriture et au chant par John Lennon qu’il a rencontré à New York un an auparavant, il sort Fame, son premier single à devenir numéro 1 aux USA. Il a encore changé de style et adopte le look de dandy allemand des cabarets de l’entre-deux-guerres et sans doute encore sous héroïne, il ne retient pas Nile Rodgers venu auditionner pour devenir son guitariste (pour ceux qui ont du mal avec mes références c'est le cheveulu dans le clip de ce morceau que personne ne connait). Heureusement qu’ils collaboreront ensemble en 1983… Pour ça par exemple… N°1 aux USA et en Angleterre… oui rien que ça. Enfin sur cet album les guitaristes n’étaient autres que Nile Rodgers et Stevie Ray Vaughan avec des guests tels que son pote Iggy Pop ou encore Giorgio Moroder (en fait les Daft Punk ont du lui voler son carnet de contacts).
Il perd complètement les pédales à Los Angelès et s’enfuit donc à Berlin (quelle grande idée) retrouver ses potes Lou Reed et Iggy Pop (définitivement une idée de génie). Là bas, il s’imprégnera de la culture avant gardiste allemande et se lancera dans la réalisation de son triptyque expérimental (Low, Heroes et Lodger). Accompagné de Brian Eno, il va enregistrer entre l'Allemagne, la France et l'Est de la Suisse, ce qui va illustrer une formidable prise de risque artistique qui contraste avec ses derniers albums plus commerciaux.
Il prend ensuite parfaitement le virage des années 1980 devenant un véritable fer de lance pour une nouvelle génération de groupes se revendiquant comme étant ses premiers enfants (Talking heads, The Cure, New Order et bien d’autres).
Ses 2 premiers albums de la décennie lui permettent de reconquérir un public américain qu’il avait perdu (car les américains c’est comme ça, si tu veux qu’on t’aime tu viens sinon on te jette) grâce à une chiée de tubes tels que Ashes to Ashes, Fashion ou encore Let’s dance ou China girl dont je vous parlais plus haut (juste pour l’histoire il a composé China Girl quelques années plus tôt avec Iggy Pop qui en interprète une version sur son album de 1977).
Malgré une présence musicale plus discrète, c’est au cours de la deuxième partie de cette décennie qu’il obtient le statut de méga star! J’ai déjà fait mention de ses délires avec Jagger, mais cela se confirme par sa collaboration avec Queen et surtout de par sa prestation au Live AIDSS de 1985.
David Bowie & Mick Jagger - Dancing in the street
Ne se sentant, une nouvelle fois, pas à l’aise avec ce succès plus marketing que musical, il prend un nouveau virage avec les Tin Machine (1989-1992), groupe au sein duquel il reste en retrait. Une expérience anecdotique qui aura néanmoins su lui rendre sa verve créative. Là je vais aller vite car on arrive au moment où l’artiste n’a plus besoin de faire ses preuves et par "verve créative" il faut comprendre qu’il va sortir des albums complètements allumés pendant tout la décennie 1990. Tout n’est pas à jeter et il reste quand même un véritable précurseur comme en témoigne Hallo spaceboy (Enfin moi là j’arrive pas, mais alors pas du tout…) qui montre qu’il a retrouvé la fougue de ses débuts lors desquels il creusait partout sans réellement de limites ayant comme seul mot d’ordre… de ne pas en avoir !
Il aborde les années 2000 comme une rétrospective. Il se montre sans masque, est plus posé, apaisé et malgré quelques problèmes de santé (malaise cardiaque lors de sa tournée de 2004) et 10 ans de silence, il revient en 2013 avec l’album The next day, album salué par la critique. Juste histoire de montrer que c’est toujours lui le patron.
La boucle est bouclée ! Je regrette de ne pas m’être trop attardé sur la question des différents styles de David Bowie (il a été un précurseur dans la mode aussi !) et de ses rôles au cinéma mais j’espère vous avoir donné envie d’en savoir plus sur ce monument de la musique et que vous irez vous perdre quelques heures à la Philharmonie de Paris !
Ah si ! pour l’anecdote ! Ses yeux bleu/vert, Bowie ne les a pas depuis la naissance, ce n’est pas non plus un style qu’il se donne, c’est juste qu’il s’est mangé une méchante patate en pleine gueule dans sa jeunesse !
Sex, drugs and David Bowie dude !
Cadeau bonus : La meilleure cover de Bowie. Par Beck :
Beck - Sound and vision (Live 360 degrés)
Comments